C’est un mot qui résonne comme un doux adieu.
La dernière maternité.
Le dernier ventre arrondi, les derniers coups de pieds reçus de l’intérieur, cette danse intime qui ne m’appartiendra plus jamais.
Ce dernier souffle, quand on voit le plus s’afficher sur le test…les émotions se mélangent dans la tête et dans le coeur. C’est là, au creux de nous, cette dernière fois…
Le dernier coup de pied
Porter la vie… Quel pouvoir immense, magique, presque irréel. Pendant neuf mois, on est deux dans un seul corps. Chaque mouvement est un rappel que la vie grandit en nous, se développe, se prépare à éclore.
Le dernier coup de pied, la dernière nuit à sentir ce petit être, blotti en nous.
L’accouchement, c’est cette explosion de puissance et de fragilité à la fois. On se sent invincible, et en même temps, on se sent vulnérable, face à l’immensité de ce qui est en train de se produire.
Ce jour où l’on donne la vie, une fois encore, mais cette fois, on sait que ce sera la dernière.
Ce moment où l’on sent ce dernier lien se rompre, où l’on passe de deux à un, tout en accueillant cet être dans le monde.
Ce passage initiatique, cette rencontre magique… vécue une dernière fois.
Les premières fois et les dernières
Et puis, il y a ces premières heures, ces premiers jours. Le premier regard.
La première tétée, ce premier échange. La dernière montée de lait.
Le corps qui donne, qui nourrit.
L’odeur de ce dernier bébé, son parfum si pur, si doux, qui imprègne notre peau, notre mémoire. Ce sont les derniers instants où l’on se perd dans cette odeur, où l’on s’abandonne complètement à ce moment si précieux, si éphémère. On respire à plein poumons pour garder cette odeur en mémoire.
On fait le deuil, doucement, sans s’en rendre compte. Ce deuil de ne plus jamais porter la vie, de ne plus jamais être cette créatrice, cette femme qui donne la vie. C’est un adieu à cette sensation de pouvoir, à cette magie que l’on ne vivra plus.
Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise façon de vivre cela. On avance, on respire, on se rappelle. On laisse ces dernières fois nous habiter, nous traverser, et on les garde, précieusement, au fond de notre cœur.
Chaque geste de notre enfant résonne comme un écho :
- le dernier premier babillage,
- le dernier premier quatre pattes,
- le dernier premier pas,
- le dernier premier vélo…
Chaque première fois est aussi une dernière fois pour moi, car il n’y aura plus d’autre bébé après elle. C’est un deuil discret, silencieux. Et pourtant derrière… il y a la lumière.
L’après dernière maternité
Derrière, il y a la liberté retrouvée, petit à petit.
Le corps qui redevient seulement le nôtre.
Les nuits qui se rallongent, l’esprit qui respire un peu plus.
Le couple qui reprend son souffle.
Il y a ce soulagement de ne plus être dans ce tourbillon constant des débuts. Alors, entre nostalgie et légèreté, mon cœur balance.
Je voudrais suspendre le temps, garder ces petits pieds potelés, ces câlins collés du matin, ces cheveux emmêlés qui sentent encore le lait mais aussi en avoir fini avec les tempêtes émotionnelles du terrible two et du fucking four !
Mais je veux aussi les voir grandir. Peut-être que c’est ça, être parent : à chaque étape, à chaque période, il y a une dernière fois.
La dernière tétée, le dernier câlin spontané, le dernier « maman » crié dans la cour d’école.
Alors oui, c’est un deuil. Mais c’est aussi un hommage. Un hommage à ce que j’ai vécu, à ce que j’ai donné, à ce que j’ai appris.
À la dernière maternité, je dis merci.
Merci de m’avoir transformée, de m’avoir épuisée, de m’avoir comblée.
Merci de m’avoir fait grandir, moi aussi.
Merci pour ce texte tout en délicatesse.
Il y a des traces de maternité que je retrouve souvent en réflexologie, nichées là où on ne les attend pas.
Le corps se souvient de ce que la tête essaie d’oublier. Et ton article en parle avec justesse !
Oh oui le corps se souvient ! Depuis la naissance même, on a des restes qui peuvent parfois poser soucis 🙂