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Livre Libérées ! de Titiou Lecoq : Attention misogynes s’abstenir !

J’ai fini le livre Libérées un dimanche soir.

Le lendemain matin, je dépose mon fils au centre aéré. Quelques minutes plus tard, le téléphone sonne :

« Madame, j’ai votre fils avec moi, mais il n’est pas inscrit au centre aéré. Vous avez commencé l’inscription, mais vous n’avez pas validé. »

Évidemment. Ce petit oubli anodin m’a sauté au visage comme un symbole. Est-ce une coïncidence qu’il m’arrive ce genre de choses, précisément après avoir lu un lire sur la charge mentale ?

Oui, oui ! La charge mentale : cette liste infinie de micro-responsabilités invisibles, que l’on porte sans même s’en rendre compte. Les papiers, les achats, les rendez-vous, les vêtements trop petits, les anniversaires, les repas, les lessives… Et tout ça en veillant à ce que tout le monde soit heureux, propre, habillé, vacciné, nourri, aimé. Ce matin-là, j’ai pensé à Titiou Lecoq. Et je me suis dit : ce n’est pas un hasard.

De quoi parle le livre Libérées ! le combat féministe se gagne devant le panier de linge sale ?

Nos maisons prisons

Dans le livre Libérées, Titiou Lecoq démonte un mythe : celui de la femme moderne, épanouie, multitâche, qui réussit tout — maison, travail, maternité — sans broncher.

Sous ce vernis d’efficacité, elle met en lumière un système : celui des “sphères séparées”.

Les hommes s’occupent du monde extérieur, de la vie publique, visible, valorisée.
Les femmes, elles, sont cantonnées à la sphère domestique — celle du foyer, de l’intime, du soin, de la logistique invisible.
Et, au fond, même quand on travaille, même quand on est indépendantes, cette frontière symbolique continue d’exister.

C’est là que le propos de Titiou Lecoq devient brillante.
Elle montre comment cet enfermement s’est déplacé, modernisé, mais persiste jusque dans nos gestes les plus anodins.
Jusque dans… nos sacs à main.

Le sac comme bouclier de protection

Le sac à main, dit-elle, c’est comme une maison portative.
On y met de tout : mouchoirs, doliprane, lingettes, barres de céréales, carnet, trousse de secours.
On prévoit, on anticipe, on porte.
On soigne, toujours.

Ce sac, c’est un peu le prolongement de la maison — ce cocon rassurant, mais aussi ce lieu de charge, de préparation, d’obligation.
Et il pèse.
Lourdement.

Titiou Lecoq invite alors à tenter une expérience : sortir sans sac.
Pas de “au cas où”, pas de “il faudrait peut-être”.
Rien.

Et là, dit-elle, on se sent soudain libre.
Légère.
Comme si, pour la première fois, on s’autorisait à exister pour soi, et non plus en prévision des autres.

Dans la manière dont les réseaux sociaux exhibent des vies parfaites, des intérieurs identiques, des enfants sages, des corps lisses… Une “non-maison pour une non-vie et un non-corps”, comme l’écrit l’auteure. Ce que dénonce Titiou Lecoq, c’est cette injonction silencieuse à rester à sa place, sous couvert de beauté, d’organisation, de maternité heureuse. Pendant que les hommes occupent l’espace public, les femmes sont invitées à se contenter d’un intérieur propre et d’un sourire poli. Et quand elles osent sortir, c’est encore un terrain miné : l’extérieur reste un territoire masculin.

Le monde extérieur, territoire masculin

Dans son livre libérées, Titiou Lecoq rappelle aussi une vérité dérangeante : l’espace public reste largement masculin.
Les hommes se sentent “chez eux” dehors, tandis que les femmes doivent toujours composer avec une forme de vigilance, de peur, d’adaptation.

Dès le plus jeune âge, on apprend aux filles à se protéger, à ne pas sortir trop tard, à surveiller leur tenue, à baisser les yeux, à éviter certains endroits.
Et pendant ce temps, on apprend aux garçons à occuper l’espace, à marcher tête haute, à ne pas avoir peur.

Ce déséquilibre est si profondément ancré qu’il passe inaperçu.
Titiou Lecoq montre comment, dans nos cultures, l’extérieur appartient aux hommes.
Et comment on justifie encore aujourd’hui cette appropriation en disant que les hommes “ne peuvent pas toujours se contrôler”, qu’ils “ont des pulsions” — comme si c’était aux femmes d’aménager le monde autour de ces excuses.

On encourage les garçons à faire des sports de combat pour “gagner en confiance”.
Mais combien de filles y sont poussées de la même manière ?
Combien sont encouragées à occuper l’espace, à se sentir légitimes dans la rue, dans le débat, dans le monde ?

C’est une autre forme d’injustice invisible : on apprend aux femmes à s’effacer pour ne pas déranger, quand les hommes apprennent à exister pleinement, à se défendre, à se faire une place.

Et pendant ce temps, le comportement des hommes est à peine questionné. Pourtant, ce n’est pas aux femmes de s’adapter. C’est aux hommes, à la société tout entière, de se remettre en question.

Titiou Lecoq le dit très bien : tant que le problème reste cadré comme une affaire de femmes,
rien ne changera vraiment.
Ce sont les hommes qui doivent s’en emparer, en discuter, proposer des solutions,
parce que c’est avant tout leur responsabilité.

Mais il y a un point de bascule.
Un seul critère, simple et essentiel : si quelque chose vous met mal à l’aise, c’est qu’il y a un problème.
Et il faut le dire. Parce que la parole est l’un des rares pouvoirs qu’il nous reste.

Livre libérées lecture dans le lit

Alors, que faire de tout cela ? des pistes du livre libérées

Titiou Lecoq ne donne pas une marche à suivre, mais elle trace un chemin : reprendre la parole et oser.

De manière générale, les femmes ne sont pas toujours à l’aise pour parler fort, pour s’imposer, pour prendre la parole en public.
On a été élevées à faire en sorte que tout se passe bien, à ne pas déranger, à arrondir les angles.
Et à force de vouloir que les relations restent harmonieuses, on se tait.
On intériorise.
On encaisse.

Mais si on n’ose même pas renégocier la répartition des tâches ménagères avec la personne qu’on aime, comment voulez-vous qu’on parvienne à négocier nos salaires ?
Si on accepte les choses telles qu’elles sont, même quand elles sont inéquitables, on continuera, comme le dit Titiou Lecoq, “à se faire entuber”.

Les femmes vivent dans un paradoxe permanent :
on leur demande d’être gentilles, conciliante, à l’écoute — des qualités valorisées chez les petites filles, mais dénigrées dans le monde du travail, où l’on récompense plutôt le culot, l’assurance, l’audace.

À l’école, les filles réussissent mieux. Mais dès qu’elles entrent dans la vie active, elles prennent du retard sur leur salaire, leur reconnaissance, leur progression. Parce que les règles changent — et que le monde professionnel valorise les comportements traditionnellement associés aux hommes.

Pour être vraiment libres, il faut d’abord libérer nos esprits :
de la charge mentale, du besoin de plaire, de cette peur constante de ne pas être à la hauteur.
Peur de mal faire.
Peur de déranger.
Peur d’échouer.
Peur d’être jugée.

Comme le dit Françoise Parturier :

“La liberté ne se demande pas, madame, elle se prend.”

Et pour ça, il faut de l’audace et de la solidarité — ces deux qualités qui, trop souvent, nous manquent parce qu’on nous a appris à nous en méfier.
Alors osons.
Même tremblantes, même imparfaites.
Parce que chaque fois qu’une femme ose, elle ouvre la voie à d’autres.

Pour Titiou Lecoq, le féminisme du quotidien commence par des gestes concrets :

  • Nommer la charge mentale, ne plus la minimiser.
  • Renégocier les tâches domestiques avec son partenaire, même si c’est inconfortable.
  • Oser parler — à la maison, au travail, dans l’espace public.
  • Que le papa montre l’exemple : s’occupe des tâches ménagères, que nos filles grandissent sans être trop protégé comme des êtres fragiles et qu’on les incite à faire entendre leur voix car les garçons savent déjà prendre cette place dans la cour de récréation.

Conclusion

Titiou Lecoq termine sur une confession :

“Je ne veux pas vivre comme si ma vie allait durer éternellement,
comme si je n’allais pas mourir.
Passer mes dimanches à faire des machines, à crier sur mes enfants,
à fabriquer un mobile pour la fête de la crèche.
Je ne veux pas devenir la boniche de la maison,
finir aigrie, pendant que mon partenaire mène sa carrière et ses projets.
Finir par le détester. Finir par tous les détester.”

Le livre Libérées n’est pas un manifeste théorique.
C’est un cri lucide et tendre, une main tendue à toutes celles qui en ont marre de “tenir”.
Un rappel qu’il n’y a pas de petite rébellion : refuser une injonction, poser un mot sur une fatigue, demander de l’aide, oser parler — c’est déjà politique.

Et peut-être que, de ce panier de linge sale, peut naître la plus belle des révolutions : celle d’une femme qui se libère, enfin !

Sur ce, je m’en vais de ce pas revoir la répartition des tâches du foyer pour éviter d’avoir le centre aéré qui m’appelle une nouvelle fois !

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