Quand on pense à l’allaitement, on imagine souvent un moment de douceur, de fusion, de lien magique entre une mère et son bébé…Complicité, bienfaits pour la santé, joies… Blablabla… Stop !
Et si l’allaitement n’était pas toujours doux et fusionnel ?!
Et s’il y avait aussi un coté obscur ?!!
Et oui, il y a des moments plus sombres dont on parle peu : je parle ici des aversions à l’allaitement. Ce phénomène méconnu est bien réel, c’est ce que vivent certaines mères allaitantes… en silence. Je vais vous partager ici mon vécu.
1. C’est quoi, une aversion à l’allaitement ?
L’aversion à l’allaitement (en français AAA : aversion et agitation pendant l’allaitement) est une réaction négative intense que certaines mères ressentent pendant l’allaitement.
Elle peut se traduire par :
- une sensation de dégoût ou d’irritation extrême pendant la tétée,
- une envie physique de retirer l’enfant du sein immédiatement,
- parfois même des pensées intrusives ou de la colère,
- un ressenti de violation de son espace corporel, comme si notre propre corps devenait prison.
Le tout, sans que l’on sache vraiment pourquoi.
Et c’est bien là le problème : ce phénomène est encore peu reconnu par les professionnels, ce qui renforce parfois le sentiment d’isolement.
Ce que dit la recherche (et ce qu’on ignore encore)
Il existe peu d’études scientifiques sur l’aversion à l’allaitement, mais quelques travaux émergent :
- Une étude publiée dans le Journal of Human Lactation (2021) identifie ce phénomène comme un tabou de l’allaitement, souvent rencontré dans les cas de co-allaitement ou d’allaitement long.
- Le Dr. Zainab Yate, une chercheuse britannique, créatrice du site anglais breastfeedingaversion.com, a publié un ouvrage complet sur le sujet : When Breastfeeding Sucks.
Selon elle, l’aversion pourrait être liée à :
- une surcharge sensorielle ou émotionnelle,
- le manque de sommeil,
- la fatigue maternelle extrême,
- parfois des traumas non résolus liés au corps ou à l’enfance.
Mais il n’y a pas de cause unique. Et surtout, ce n’est pas un signe que vous n’aimez pas votre enfant.
Je répète, ce phénomène n’a rien à voir avec un manque d’amour ! Donc pas de culpabilité à avoir ! C’est un ressenti physiologique et émotionnel qui peut apparaître de façon temporaire ou persistante.
👉 D’après un article du Journal of Human Lactation (2022), environ 22 % des femmes allaitantes rapportent avoir vécu des épisodes d’aversion à un moment donné de leur allaitement.
Et j’en fais partie ! Lors de mon premier allaitement, il y a eu des instants où je n’en pouvais plus. J’étais épuisée, vidée et chaque tétée nocturne était un effort presque violent pour moi. Je n’avais pas envie, mais je le faisais quand même… Je me sentais coincée, je serais les dents parfois. Cela ne concernait pas toutes les tétées mais je pense qu’en fonction de mon niveau de fatigue, il y a certaines tétées que je n’acceptais plus.
2. Pourquoi ces sensations apparaissent-elles ? (les causes possibles)
Les raisons peuvent être multiples :
- La fatigue extrême : Des nuits hachées, un bébé très accroché, accro, des siestes inexistantes… tout cela joue énormément. J’appelais mon fils le « serial téteur », je vous laisse deviner pourquoi !
- Le sentiment d’être envahie : L’impression de ne plus avoir de contrôle sur son corps, surtout quand bébé tète très souvent ou très longtemps ou s’approprie le sein sans notre consentement, cela arrive plus logiquement avec les bambins qui viennent se servir tout seul !
- Le contexte hormonal : Certains moments du cycle menstruel ou le retour de couches peuvent amplifier l’aversion.
- L’allaitement en tandem : Certaines femmes développent une aversion quand elles allaitent un aîné pendant qu’un nouveau-né est également allaité.
Dans mon cas, c’était clairement la fatigue cumulée et le manque de recul. Mon fils voulait téter pour tout : s’endormir, se consoler, se réveiller… et moi, je n’avais plus une seule pause, surtout la nuit. Qui s’est déjà endormi dans des positions improbables car on allaite son enfant toute la nuit et qu’il ne peut pas lâcher le sein… On sert de tétine…J’avais parfois envie de le repousser mais je me sentais piéger car aucune autre solution ne fonctionnait…car dans ma tête, cela n’était pas clair non plus. Le jour où j’ai souhaité arrêté l’allaitement la nuit, c’était définitif du jour au lendemain.
Pour mon second allaitement, j’ai stoppé direct, je ne servirai pas à nouveau de tétine non stop si ce n’est pas ok pour moi.
3. Comment peut-on faire face à l’aversion à l’allaitement ?
Ce qui m’a aidée, ce sont des petits ajustements simples, mais qui ont fait toute la différence :
- Mettre des mots sur ce que je ressentais : Je me suis renseignée sur le phénonème et j’ai vu que ce n’était pas « anormal » ou honteux.
- Faire des pauses quand c’était possible : Dire non à certaines tétées, proposer un câlin à la place, ou demander au papa de prendre le relais, surtout la nuit. Essayer de sevrer son enfant la nuit en étant dans la pièce, c’est un peu comme arrêter la cigarette en ayant un paquet sous le nez, c’est difficile ! Le papa aura ses propres techniques d’apaisement.
- Travailler sur mes besoins : Est-ce que j’avais besoin de sommeil ? D’espace ? De silence ? De sentir que mon corps m’appartenait à nouveau ? On est pas tous égaux en intelligence intra-personnelle donc savoir qu’on a un gros manque de sommeil qui prend le dessus sur nos émotions est parfois dur à identifier. Pour mon deuxième allaitement, j’ai téléchargé une application sommeil comme Sleep Cycle pour voir si je dormais suffisamment et si j’avais un sommeil réparateur malgré les nuits hachées.
- Changer de position ou d’environnement : Parfois, allaiter dans un autre endroit me changeait l’esprit.
- En parler à une consultante en lactation ou à une amie de confiance. Rien que dire « je ressens ça » peut être libérateur.
4. Et si c’était un signal ?
L’aversion peut aussi être un signal que quelque chose doit changer.
Peut-être que notre corps nous parle. Peut-être qu’on a besoin d’aide. Ou simplement d’une pause. Allaiter ne devrait pas être un sacrifice permanent.
Et parfois, choisir d’arrêter, c’est aussi faire preuve de respect envers soi-même. Ce n’est ni un échec, ni un abandon : c’est un choix. C’est reprendre du pouvoir sur son propre corps.
En conclusion : allaiter, oui… mais pas à n’importe quel prix
L’allaitement est un lien merveilleux mais il peut aussi s’accompagner de moments plus complexes. Parler de l’aversion, c’est briser un tabou. C’est dire haut et fort que nos émotions comptent, que nos ressentis sont légitimes, même quand ils ne sont pas « tout roses ».
Pour ma part, j’ai essayé de peser le pour et le contre de mes allaitements et à partir du moment où la balance penchait trop du coté contre, je me suis posé la question du sevrage. Ce n’est vraiment pas une décision facile. À toutes celles qui se sentent seules dans ces ressentis-là : vous n’êtes pas seules. Et vous avez le droit de prendre soin de vous, autant que vous prenez soin de votre bébé.